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10 mythes alimentaires à déconstruire

10/12/2025 | Non classé

10 mythes alimentaires à déconstruire : du citron brûle‐graisse aux superfoods « féminins »

Chaque jour, sur les réseaux sociaux ou dans les médias, un nouveau “inclure ceci, éviter cela” fait le buzz. Parmi ces idées largement partagées : 10 mythes alimentaires à déconstruire : du citron brûle‐graisse aux superfoods « féminins ». En tant que nutritionniste à Paris, je vous propose de passer en revue ces croyances, d’analyser ce que dit la science, et de voir comment elles s’articulent avec les problématiques de poids, de santé métabolique, de diabète, de grossesse ou de cancer.

Je cite “10 mythes alimentaires à déconstruire : du citron brûle‐graisse aux superfoods « féminins »” dans ce premier paragraphe pour bien poser le cadre.

Introduction

Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, les êtres humains cherchent des remèdes alimentaires miracles. Déjà dans la Rome antique, certaines pièces de médecine suggéraient que des plantes ou des épices pouvaient “purger” le corps. Aujourd’hui, nous avons des régimes “détox”, des super aliments exotiques, des cures de jus… Mais que valent vraiment toutes ces affirmations ? Ce guide scientifique et littéraire explorera dix mythes répandus, soutenus ou démentis par la recherche, pour vous (et vos patient·e·s) permettre de mieux discerner.

Les mythes et ce qu’en dit la science

Voici dix mythes fréquents, chacun suivi d’une analyse :

  1. Le citron est un “brûle‐graisse”
    Ce qu’on entend généralement : boire de l’eau citronnée, un jus de citron ou une cure de citron ferait fondre les graisses stockées.
    La réalité : il n’existe pas de mécanisme prouvé par lequel le citron seul déclenche la lipolyse à grande échelle chez l’homme, ou “brûle” directement la graisse du ventre ou des hanches. Boire une eau citronnée peut aider à l’hydratation, ou remplacer des boissons sucrées, mais ce n’est pas un agent miraculeux. Des méta‐analyses montrent que les extraits ou agrumes peuvent légèrement réduire le poids corporel, l’indice de masse corporelle, le tour de taille.  Une étude coréenne sur une “lemon detox diet” a révélé qu’après 7 à 11 jours, chez des femmes en surpoids, il y avait des réductions du poids, de la masse grasse, de la résistance à l’insuline et des marqueurs inflammatoires comme le hs‐CRP.  Ces effets toutefois sont liés à un régime à très faible apport calorique ou à un changement global alimentaire, pas au citron en tant que tel.
  2. L’eau citronnée au petit déjeuner accélère le métabolisme
    Mythe : au lever, un verre d’eau citronnée “réveille” le métabolisme, brûle les graisses pendant la journée.
    Faits : aucune preuve forte qu’un petit apport acide ou vitaminé le matin booste durablement le métabolisme de base. La dépense énergétique hors effort reste dépendante de la masse musculaire, de l’alimentation, du sommeil, de l’activité physique. L’eau citronnée peut aider à bien s’hydrater, ce qui est utile, mais ce n’est pas un catalyseur métabolique.
  3. Le vinaigre est un brûle‐graisse puissant
    Revendications : ingérer du vinaigre (acide acétique) permettrait de limiter l’accumulation de graisse, de réguler le sucre sanguin, etc.
    État des lieux scientifique : des études animales et quelques études humaines suggèrent que l’acide acétique peut, à doses adéquates, avoir un effet modéré sur la glycémie postprandiale, voire sur le sentiment de satiété. Cependant les effets sont faibles, souvent nécessitent des quantités peu pratiques ou un protocole strict. Le rôle du vinaigre ne permet pas de compenser une alimentation déséquilibrée ou un excès calorique.
  4. La réduction localisée de la graisse est possible (abdos = ventre plat, fessier, cuisses)
    Croyance : travailler spécifiquement une zone brûlera la graisse accumulée en surface de cette zone.
    Science : la lipolyse (dégradation des graisses) est contrôlée par des signaux hormonaux et le déficit calorique global. L’exercice ciblé renforce le muscle, mais ne cible pas les réserves de graisse d’une zone spécifique. Il est beaucoup plus efficace de combiner une alimentation adaptée + activité physique globale.
  5. Les superfoods existent vraiment : ils guérissent, prédisent la santé, ou donnent un boost magique
    Mythe : il y a certains aliments “supérieurs”, presque miraculeux, qui par leur seule consommation (goji, spiruline, acai, curcuma, etc.) permettent de prévenir le cancer, le diabète, de régénérer le corps.
    Ce que dit la recherche : le terme superfood n’est pas défini scientifiquement ni réglementairement. Beaucoup de ces aliments sont en effet riches en antioxydants, vitamines, fibres. Mais aucun aliment “super” ne remplace un régime complet, l’équilibre global, le mode de vie. Des études montrent qu’une alimentation variée, locale et riche en fruits, légumes, céréales complètes est beaucoup plus bénéfique que la chasse aux super‐produits exotiques. 
  6. Les superfoods sont “féminins” ou “pour femmes”
    Revendications sociales : certains aliments ou marques sont dès lors marketés comme “féminins” (smoothies, yaourts aux fruits, bowl colorés). Tandis que d’autres sont “féminins” vs “masculins”, renforçant des stéréotypes.
    Ce que montrent les études : des recherches récentes montrent que les perceptions de genre influencent les choix alimentaires. Une étude démontre que les aliments présentés comme “féminins” (petites portions, présentation élégante, ingrédients perçus comme “sains”) sont plus attirants pour les femmes, moins pour les hommes. Ou que les hommes associent la robustesse ou la virilité à des aliments riches en protéines ou plus gras. Cependant cela reste une construction sociale, non une différence biologique forte sur les effets ou sur les besoins nutritionnels selon le genre (hors besoins hormonaux, grossesse, etc.).
  7. Un seul aliment ou nutriment peut prévenir ou guérir le cancer / diabète
    Mythe : consommer du curcuma ou des baies sauvages ou un complément spécial permettrait d’empêcher le cancer, de guérir le diabète de type 2, etc.
    Réel état des connaissances : de nombreux facteurs entrent en jeu : génétique, environnement, alimentation globale, activité physique, poids, inflammation chronique, etc. Aucun aliment unique n’a de pouvoir curatif certain. Certaines composantes alimentaires peuvent agir comme cofacteurs de protection (fibres, antioxydants, polyphénols), mais dans le cadre d’un régime global équilibré. Le surpoids, l’obésité, l’insulinorésistance, l’inflammation, le stress oxydatif accroissent le risque de cancer ou de complications du diabète. Agir globalement est crucial.
  8. Les produits “allégés”, “sans sucre”, “sans gras” sont toujours meilleurs
    Mythe : si on retire le sucre, le gras ou calorifique, c’est forcément meilleur pour la santé ou pour perdre du poids.
    Réalité : l’étiquette peut être trompeuse. La texture, le goût, les additifs, les substituts peuvent rendre le produit moins satisfaisant, conduire à compenser ailleurs dans la journée. De plus, les lipides sains sont essentiels pour de nombreuses fonctions (hormonales, absorption de vitamines, santé cellulaire). Le sucre n’est pas toujours “le mal” s’il est naturel ou consommé en quantités raisonnables dans un contexte alimentaire bonifié.
  9. Si je jeûne ou je saute un repas, je maigris mieux, plus vite, sans conséquence
    Mythe : jeûne intermittent, sauter le petit déjeuner, ou longues périodes sans manger accélèrent la perte de poids forcément.
    Ce que la science montre : oui, certains types de jeûne intermittent peuvent être utiles. Mais ils ne conviennent pas à tous, surtout aux femmes enceintes, aux diabétiques, aux personnes avec certaines pathologies, ou aux seniors. Le déficit calorique reste la base. De plus, sauter des repas peut perturber le métabolisme, la glycémie, entraînant fringales, altération de la composition corporelle (perte musculaire si protéine insuffisante).
  10. Les suppléments nutritionnels remplacent une alimentation saine
    Mythe : prendre des super compléments, vitamines, poudres “superfoods” permet de corriger des carences ou de prévenir toutes les maladies.
    Ce que disent les études : les compléments peuvent être utiles dans certains cas diagnostiqués (carence avérée, grossesse, certaines pathologies). Mais ils ne remplacent pas la nourriture complète. La biodisponibilité, l’effet synergique des aliments, la satiété, les fibres, etc., ne sont pas entièrement reproduits par les pilules ou poudres.

Impacts sur santé : surpoids, obésité, diabète, cancérologie, grossesse, senior

Toutes ces croyances ne sont pas sans conséquences. Voici comment elles interfèrent avec des enjeux de santé majeurs :

Surpoids et obésité

Lorsque l’on croit qu’un aliment spécifique (citron, vinaigre, etc.) ou un superfood suffit pour perdre du poids, on peut ignorer la nécessité d’un déficit calorique réaliste ou d’une activité physique suffisante. Le surpoids ou l’obésité progressent souvent silencieusement : accumulation de graisse viscérale favorisée par une alimentation riche en sucres rapides, graisses saturées, sédentarité. Le rôle d’un nutritionniste comme moi est d’aider le patient à comprendre ces mécanismes, à établir un plan alimentaire adapté, durable, avec suivi.

Diabète de type 2, insulinorésistance

Beaucoup de mythes concernent des produits ou aliments qui “stabiliseraient le sucre” ou “réduiraient l’insuline”. Or, dans les cas d’insulinorésistance, c’est bien la gestion globale de l’apport glucidique, de la qualité des glucides (index glycémique, charge glycémique), du poids corporel, et de l’activité physique qui comptent davantage que la consommation régulière de produits miracle. Par exemple, l’étude de la “lemon detox diet” a montré une amélioration de résistance à l’insuline chez des femmes en surpoids, mais dans un contexte très strict et à court terme. 

Cancérologie

Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque établis pour plusieurs cancers (sein, côlon, pancréas…). Si des aliments riches en antioxydants (fruits, légumes, agrumes, etc.) jouent un rôle dans la réduction du stress oxydatif ou de l’inflammation, ils ne suppriment pas les risques liés à un excès de poids, à une alimentation déséquilibrée, à l’alcool ou au tabac. Les mythes de “super aliment anticancer” peuvent induire une fausse sécurité.

Grossesse

Pendant la grossesse, de la prudence est nécessaire. Le besoin énergétique augmente, les apports en micronutriments aussi. Mais certains régimes trop restrictifs ou l’utilisation non contrôlée de “détox” ou de compléments peuvent nuire. Les mythes alimentaires peuvent pousser à des pratiques inadéquates qui compromettent la santé maternelle ou fœtale.

Personnes âgées / Senior

Chez les seniors, maintenir la masse musculaire, éviter la perte de densité osseuse, assurer un bon apport en protéines, vitamines (D, B12, etc.) est crucial. Miser sur un aliment “super” ou sur le citron ne suffit pas pour compenser les déficiences nutritionnelles, l’appétit réduit, les altérations de digestion ou d’absorption.

Anecdote historique subtile

Au début du XXᵉ siècle, en France, certains médecins recommandaient des eaux de bouleau ou des “sirops végétaux” comme remèdes populaires pour purifier le sang ou “faire fondre la graisse”. Ces pratiques, bien que souvent inoffensives, ont semé les bases de la croyance que certains liquides ou plantes pouvaient soigner sans modifier fondamentalement le régime ou le mode de vie. C’est le même schéma aujourd’hui : la croyance que “quelque chose de naturel” = “quelque chose de miraculeux”.

Le rôle du nutritionniste

Un nutritionniste comme Pascal Nourtier, à Paris, joue un rôle central. En cabinet ou en téléconsultation, il peut :

  • évaluer la situation personnelle : antécédents, poids, composition corporelle, pathologies, habitudes alimentaires, contexte familial / social
  • expliquer les mécanismes physiologiques : métabolisme, lipolyse, satieté, insulinorésistance, inflammation
  • déconstruire les mythes : mettre en lumière ce que la science supporte ou non, éviter les attentes irréalistes
  • construire un plan alimentaire personnalisé, équilibré, durable, avec une attention aux périodes sensibles : grossesse, prévention des risques cardiométaboliques, gestion du surpoids ou de l’obésité
  • assurer un suivi, ajuster en fonction des résultats, des tolérances, des préférences, et intégrer l’activité physique, le sommeil, la santé mentale.

Conclusion

Les mythes comme ceux autour du citron brûle‐graisse ou des superfoods “féminins” sont séduisants. Mais ils risquent d’induire en erreur, de retarder des prises en charge utiles, et même de nuire si on adopte des approches extrêmes. La santé, la perte de poids, la prévention du diabète ou du cancer, ou la soutenance d’une grossesse, exigent une approche holistique. Le nutritionniste est le guide scientifique et pratique. Il aide à distinguer le vrai du faux, à bâtir des habitudes saines, et à viser une santé durable plutôt qu’un effet de mode.


Études scientifiques citées

  1. Étude de méta‐analyse sur les agrumes et extraits d’agrumes montrant réduction modeste de poids corporel, IMC, tour de taille. PubMed
  2. Étude “Lemon fermented product” chez des rats + cellules 3T3-L1 sur accumulation de lipides, poids corporel, HDL, etc. PubMed+1
  3. Étude clinique coréenne (“lemon detox diet”) chez femmes en surpoids : perte de poids, masse grasse, amélioration de résistance à l’insuline et marqueurs inflammatoires. PubMed
  4. Étude sur les perceptions genrées de la nourriture ; “food type, portion size, presentation” : comment la présentation et stéréotypes influencent les intentions de consommation. PubMed
  5. Étude “The gendered plate” : catégorisation de certains aliments comme masculins ou féminins. Emerald
  6. Revue narrative sur effets des pelures et extraits d’agrumes sur le métabolisme, la santé cérébrale, etc. PMC